jeudi 3 mai 2012

EUROPE : BAG OF BONES

Chronique de l'album "Bag of bones" du groupe EUROPE.

Lu sur "Lostinadream" (Marco) 

http://lostinadream.hautetfort.com/archive/2012/05/01/chronique-de-l-album-bag-of-bones-du-groupe-europe.html?c

 

Cela fait maintenant 8 ans que le groupe EUROPE enchaîne les tournées et les albums avec un succès croissant. Le break qu'ils se sont octroyé entre 1992 et 2003 semble leur avoir fait le plus grand bien car en 2012 les Suédois affichent encore une forme éblouissante, à la fois sur scène et sur leur neuvième album studio, le sémillant "Bag of bones".




Le succès critique et commercial du précèdent album, "Last look at Eden" (2009), laissait augurer de bonnes choses pour la suite. EUROPE s'orientait vers un style sensiblement plus proche de celui qui avait fait sa gloire dans les années 80 sans pour autant délaisser le son lourd qui est le sien depuis la reformation. Le changement était particulièrement perceptible au niveau des claviers de Mic Michaeli, discrets sur "Start from the dark" (2004) et "Secret Society" (2006), ils faisaient leur grand retour sur "Last look at Eden" et insufflaient une puissance épique aux chansons (j'en veux pour preuve le majestueux "No stone unturned"). Joey Tempest et ses compagnons s'étaient également permis quelques incursions dans le blues, une énième preuve que la période "The final countdown" était bel et bien révolue et qu'ils entendaient revenir à quelque chose de moins racoleur, un (hard)rock plus classique en adéquation avec leurs premières influences (THIN LIZZY, UFO, DEEP PURPLE, RAINBOW, LED ZEPPELIN et WHITESNAKE pour n'en citer que quelques uns). Il n'est donc pas étonnant de retrouver un délicieux parfum vintage sur ce "Bag of bones" fraîchement sorti.


Le producteur Kevin Shirley, à qui l'on doit tous les albums d'IRON MAIDEN depuis "Brave new world" (2000) mais aussi un sacré paquet d'opus signés JOURNEY, RUSH, MR.BIG et BLACK COUNTRY COMMUNION, a su donner aux nouvelles compositions d'EUROPE une puissance et une clarté enfin à la mesure de leur talent. Chaque membre est parfaitement audible et une écoute au casque suffit à faire ressortir le travail d'orfèvre qui a été réalisé sur ce nouvel album.

-Le tonitruant "Riches to rags" ouvre les hostilités sur les chapeaux de roue et sonne comme une profession de foi: "this is the sound, never getting back to the start" (comprendre par là, les années 80 sont terminées et nous ne ferons jamais un "Final countdown" bis:-). Joey Tempest renoue avec le style nerveux qui était le sien sur "Prisoners in paradise" (1991) mais sa voix puissante, d'ordinaire cristalline, semble éraillée par moment (un constat récurrent sur cet album). Cela ajoute un côté "sale" qui sied bien à la musique mais difficile de savoir s'il s'agit d'un effet volontaire ou d'une fatigue liée aux incessantes tournées. John Norum quant à lui signe probablement ici son solo le plus rapide depuis celui de "On broken wings" (1986)!

-"Not supposed to sing the blues" est le premier single extrait de "Bag of bones". Il s'agit d'un mid tempo en forme de clin d'oeil à certains tubes qui ont marqué le groupe. Tendez l'oreille et vous entendrez des titres qui vous sont familiers: "Back in Black" (d'AC/DC), "When the levee breaks" (de LED ZEPPELIN), "Let it be" (des BEATLES)... Les claviers arabisants du préchorus sonnent d'ailleurs eux aussi comme un hommage au célèbre "Kashmir" de LED ZEPPELIN. La version qui apparait sur l'album est bien meilleure que la version "radio edit" faisant office de single. La chanson dure une minute de plus et possède un break plus travaillé ainsi qu'un deuxième solo à la fin du morceau.
Voir la vidéo : 



-"Firebox" est aussi épique que son petit frère "No stone unturned" (sur l'album précédent) mais la manière dont Ian Haugland frappe ses fûts lui confère une agressivité inédite. Le refrain haut perché est celui qui rappelle le plus les années 80 mais le superbe (et inattendu) break à la sitar ne ressemble en rien à ce le groupe a pu enregistrer précédemment. Sûrement un nouveau classique!

-La chanson titre bénéficie de la participation du guitariste Joe Bonamassa, étoile montante du blues rock qui officie également au sein du supergroupe BLACK COUNTRY COMMUNION. Ses parties de slide accentuent le côté bluesy des couplets mais aussi le contraste avec le refrain plus heavy. Les arpèges et la voix de Joey Tempest font des merveilles dans ce registre désabusé à mille lieues des envolées lyriques des albums "The final countdown" (1986) et "Out of this world" (1988). Le chanteur a expliqué dans plusieurs interviews qu'il se sentait comme un sac d'os après la tournée d'un an et demi qui a suivi "Last look at eden", d'où le titre de la chanson (et de l'album): "Bag of bones".
Joe Bonamassa avec EUROPE lors d'un concert à Stockholm en 2011.

-Lorsque le groupe a annoncé qu'il y aurait un instrumental sur le nouvel album, plusieurs fans ont cru renouer avec les envolées guitaristiques de "Boyazont" (sur le 1er album) et "Aphasia" (sur "Wings of tomorrow"). Il n'en est rien! "Requiem" n'est en fait qu'un interlude orchestral de... 29 secondes! La mélodie, forcément mélancolique avec un titre pareil, est l'oeuvre de Mic Michaeli. Dommage que ce morceau ne soit pas plus long...

Mic Michaeli

-"My woman my friend" passerait presque pour une ballade si un gros riff digne de Tony Iommi (le guitariste de BLACK SABBATH, célèbre pour ses riffs pachydermiques) ne venait pas très vite durcir le ton. John Norum est particulièrement inspiré et livre des soli intéressants tout au long du morceau.

-Le riff de "Demon head" est groovy à souhait et rappelle le Deep Purple mark III (celui qui comptait David Coverdale et Glenn Hughes dans ses rangs et qui a livré le chef d'oeuvre "Burn" en 1974). L'omniprésence de l'orgue hammond de Michaeli ne fait qu'accentuer cette impression, notamment à la fin du morceau lorsque ce dernier se lance dans un court solo que n'aurait pas renié Jon Lord (claviériste de DEEP PURPLE de 1968 à 2002). Joey Tempest, fidèle à lui même, livre un refrain mémorable qui rentre dans la tête pour ne plus en sortir. Le break de cette chanson sonne comme une version nerveuse du "By the way" des RED HOT CHILI PEPPERS (la basse vrombissante de John Leven y est sans doute pour quelque chose). Une sacrée réussite!

-"Drink and a smile" est un morceau 100% acoustique. Enregistré en toute hâte alors que l'album était déjà terminé, il fait un peu figure d'OVNI sur cet opus particulièrement heavy. Cela n'enlève rien à sa qualité bien que la comparaison avec les titres de LED ZEPPELIN III soit inévitable.

-Si "Doghouse" figurait déjà sur le dernier DVD du groupe, l'excellent "Live at Shepherd's bush" (2011), il est ici présenté dans une version légèrement remaniée. Pas de panique néanmoins, le solo est davantage travaillé et l'excellent riff à la AC/DC répond toujours présent!

-"Mercy you mercy me" aurait pu figurer sur l'album de la reformation, le très rentre dedans "Start from the dark" (2004"). Il faut dire que le riff principal est particulièrement heavy, limite stoner, et rappelle celui de "start from the dark" (la chanson), en plus incisif. Une fois encore, Joey Tempest livre un refrain en or qui fera sûrement fureur lors des prochains concerts. Là encore le groupe offre un break surprenant dans lequel Ian Haugland joue une partition presque reggae!

-L'album s'achève avec l'émouvante "Bring it all home", une ballade en forme d'au revoir (les paroles l'expriment sans ambiguité) destinée à être jouée à la fin du tout dernier concert que donnera Europe, c'est du moins ce que le groupe a annoncé dans une interview récente. N'allez pas croire pour autant que les suédois tirent leur révérence! Joey Tempest a annoncé son souhait de rentrer en studio en 2014 pour un dixième album.


CONCLUSION: EUROPE semble enfin s'être affranchi de ses complexes, le groupe ne cherche plus à remplir des stades ni à faire oublier sa période hard FM. Il est revenu à ce qu'il sait faire de mieux, à savoir un hard rock mélodique puisant ses racines dans les années 70. En cela, le groupe s'est rapproché de ce qu'il était avant le triomphe de l'album "The final countdown" (1986). Bien évidemment les plus nostalgiques diront que Joey Tempest ne force plus autant sur sa voix, que John Norum fait des soli moins mélodiques et que les claviers de Mic Michaeli ne sont plus aussi présents qu'auparavant. Ils n'auront peut être pas tort, mais pour autant EUROPE a beau avoir considérablement évolué depuis les 80's, ils peuvent se targuer de n'avoir jamais sorti un album raté. Mieux encore, 30 ans après leurs débuts, les légendes du hardrock suédois viennent de prouver qu'ils savent toujours composer de bonnes chansons et proposent avec "Bag of bones" leur album le plus abouti. Une véritable synthèse de leurs influences avec les qualités qui ont forgé l'identité du groupe (la superbe voix de Joey Tempest en tête, bien plus nuancée et bien plus expressive que dans les années 80), le tout avec un son moderne, le meilleur qu'ils aient jamais eu... et tant pis si cet album ne correspond pas aux standards du moment (comme "The final countdown" l'avait fait en son temps). EUROPE est désormais un groupe libre qui se fait plaisir sans se reposer sur ses acquis, pour cela on ne peut que les féliciter et leur souhaiter de continuer sur cette lancée! 

EUROPE à Wroklaw le 1er mai 2012 pour le Thanks Jimi Festival.

Afin de promouvoir "Bag of bones", le groupe effectuera une nouvelle tournée mondiale qui passera par la France. Ils seront à la Laiterie de Strasbourg le 12 novembre, au Bataclan de Paris le 13 novembre et au Transbordeur de Villeurbanne le 14. Plus d'infos sur le site officiel: http://www.europetheband.com/